Le climatisme à Font-Romeu
Grâce à son micro-climat qui protège Font-Romeu et ses alentours des intempéries, l'endroit bénéficie d’un fort ensoleillement, d’un air pur et sec ainsi que d'une quasi absence d’allergènes du fait de son altitude (1.200 m). La situation géographie de la Cerdagne a donc favorisé le développement du "climatisme" à Font-Romeu dans l'entre-deux-guerres et s'est poursuivi dans les années 50, 60, 70...
Le terme "climatisme" désigne l’ensemble des activités liées au traitement des maladies infectieuses comme la tuberculose initialement mais aussi d'autres affections comme l'asthme ou l'eczéma, grâce aux soi-disant bienfaits du bon air et du soleil.
Les maisons d’enfants
Dans les années 60-70, Treize "homes" accueillaient des enfants malades venus de tout l'hexagone pour des cures à Bagatelle, au Balcon de Cerdagne, Castell Roc, le Chalet Saint-Georges, l’Espérance, le Home Catalan, Ker Anna, le Mas Catalan, le Nid Soleil, Nivôse, les Petits Lutins, le Poussinet et Via Sol.
Font-Romeu est connu notamment pour son site olympique d’altitude destiné à la préparation en altitude des sportifs français qui a été créé à l’occasion des Jeux olympiques d'été de 1968 à Mexico.
J'y étais à cette époque et pour moi sa seule évocation fait remonter des souvenirs douloureux. Loin de moi le désir de nuire à l'image et à la réputation de cette commune des Pyrénées Orientales mais je tiens à ce que certains faits de soient pas occultés. Jusqu'en janvier 2021 il existait un blog ou l'on pouvait partager nos souvenirs respectifs concernant nos expériences, pour ne pas dire maltraitances, vécues dans ces "homes pour enfants malades" comme Nivôse mais après la refonte du site font-romeu.fr cette partie peu reluisante et discutable a été effacée. On retrouve bien un nouveau blog (post incendie du data-center d'OVH) mais quasiment vide de commentaires...
J'estime qu'après y avoir vécu des traumatismes pendant l'enfance à Font-Romeu, suivi du scepticisme voire du déni de nos parents qui ont bien souvent pris nos récits pour des affabulations, il est inacceptable désormais qu'on nous prive, en tant qu'adultes, de la narration de nos souvenirs même s'ils déplaisent.
Je reprends donc ci-dessous une partie des commentaires en particulier mon témoignage et les réponses qu'il a engendré.
Jean-Luc H dit :
21 juillet 2020 à 12 h 50 min
Bonjour,
J’ignore pourquoi, ce matin en me réveillant j’ai pensé au chalet Nivôse de Font-Romeu ou j’ai passé plusieurs séjours lorsque j’étais enfant dans les années 60 et après une rapide recherche j’ai trouvé votre blog.
Cette maison pour enfants accueillait de petit(e)s asthmatiques comme moi ou des gamins souffrant d’eczéma pour des « cures » sensées les remettre en bonne santé…
L’établissement était dirigé de main de fer par Monsieur mais surtout Madame Bohène qui avait tout d’une Folcoche de « Vipère au poing » et elle nous terrorisait littéralement.
Devant les parents ou les accompagnantes de la sécu elle se montrait aimable mais dès que la porte se refermait derrière les visiteurs le masque tombait, elle critiquait ceux qui venaient de quitter les lieux leur reprochant par exemple de ne pas avoir apporté des fleurs, d’avoir été des enfants exécrable pour les anciens résidents…
En arrivant là-bas après 12 heures de train (je venais de Strasbourg) c’est Monsieur Bohène qui nous cherchait à la gare avec sa R16 (je crois, enfin il y avait le levier de vitesse au volant) puis au chalet le comité d’accueil constitué des « M’zelles » (les monitrices) et de la directrice nous invitaient à prendre non pas une boisson de bienvenue mais un suppo ou plutôt un morceau de savon dans le derrière afin de vite aller à la selle.
Effectivement comme j’ai pu le lire plus haut, une des punitions c’était les séances de ventouses auxquelles je m’étais habitué et qui ne m’effrayaient plus.
Il y avait aussi l’enfermement sur le balcon du haut, seul pendant des heures pour un pipi au lit, des claques et des fessées pour une broutille et des engueulades pour ne pas avoir mis ses chaussettes comme il fallait, celle de droite à droite et celle de gauche à gauche (comme les chaussures mais adulte aujourd’hui je ne fais toujours pas la différence…), une lubie quoi !
Il y avait aussi la menace de nous envoyer au « Sana » (le sanatorium) un endroit lugubre et effrayant pour nos yeux d’enfants dans lequel aucun de nous ne souhaitait être enfermé.
Le soir interdiction de boire à table mais nous nous rendions en cachette à la salle de bain pour étancher la soif. Si on se faisait prendre c’était une fessé mais si elle était infligée par M Bohène c’était vraiment pas fort (il faisait semblant pour la galerie) car les « M’Zelles » dormaient dans un petite pièce jouxtant les dortoirs percée d’une vitre pour nous surveiller.
Je me souviens des sorties pédestres (en chantant, au pas « Ils étaient trois garçons ») direction le « calvaire », un chemin de croix qui grimpe une colline au sommet de laquelle se trouve un Christ crucifié où il fallait réciter le « notre père » puis « je vous salue Marie » (en tant que protestant j’avais le droit de ne pas le dire (à ma grande joie).
Le soir après le dîner des chants (« Oui c’est à Nivôse » sur l’air de la chanson « étoile des neiges » comme déjà évoqué ici), « Qué Canto, Qué Canto » (une chanson en catalan apprise phonétiquement, je me souviens qu’il y avait une histoire « d’Anzélou » dedans…) et encore des prières…
Je me souviens des repas, de la viande trop dure qui finissait en boule dans la bouche avec l’impossibilité de l’avaler (elle terminait dans la poche puis dans la nature ou les toilettes), les horribles blettes (ça m’a découragé d’en remanger depuis) et il fallait, après avoir plié et empilé sa serviette avant de sortir du réfectoire, ouvrir la bouche devant Madame Bohène pour vérification…
Les pesées hebdomadaires, les résidants devaient prendre du poids pendant leur séjour.
Quotidiennement, l’hiver en particulier, c’était la séance de claques à la Nivéa, les mômes en rang d’oignon devant la directrice passaient à tour de rôle pour se prendre de la crème avec « douceur ».
Paul, un enfant étrange au statut spécial qui étaient logé près de l’infirmerie (on n’a jamais su pourquoi et qui il était en réalité) et que j’ai vu à chacun de mes séjours à Nivôse…
Lorsque nous recevions un colis de nos familles il fallait partager les quelques jouets ou friandises qui s’y trouvaient, seuls les vêtements nous revenaient de droit.
Parfois le mercredi soir, dans un élan de générosité, le couple permettait aux plus grands de regarder la télé dans leur appartement (Belle et Sébastien, Zorro, La Piste aux Étoiles...).
Les différentes chambres portaient des noms de couleurs et toutes les pièces étaient décorées de masques Disney (Mickey, Donald principalement de mémoire).
Il y a tant de souvenir qui me reviennent comme le jour où mon pouce droit a été écrasé par accident dans une porte et que Madame Bohème a trouvé utile d’arracher l’ongle en passant le doigt sous l’eau froide, pas de radio pas d’hôpital, pas même d’avis médical… J’en ai gardé des séquelles toutes ma vie.
Mais il y avait aussi la gentillesse et la douceur de Geneviève, la fille Bohène, déjà évoquée dans un commentaire, lorsqu’elle était à Nivôse (elle suivait des études d’infirmière à Toulouse), venait nous dire bonne nuit en s’asseyant quelques instant sur le lit de chaque enfant. Sa présence, rare, était toutefois bienveillante et réconfortante.
À chaque fois qu’une voiture entrait sur la propriété on entendait le bruit des pneus sur le gravier et tous espéraient une visite ou qu’on vienne les chercher pour rentrer à la maison mais en général c’était le facteur ou le boucher du coin.
Globalement je n’en garde que de mauvais souvenirs hormis les jeux avec les camarades comme la construction d’une cabane dans les rochers qu’on avait nommé « les écureuils » avec la complicité de Monsieur Bohème qui était gentil avec nous et, sans le dire à son épouse, nous donnait des clous tordus qu’on s’échinait à redresser, l’odeur de vieux cuir du ballon de rugby qu’il nous prêtait, le chien Patou (un berger des Pyrénées affable), le rocher en forme de moto, le petit terrain de foot et de basket, la vue sur le four solaire d’Odeillo qui nous fascinait et les pierres « précieuses » qui brillaient de mica que l’on offrait à nos premières amourettes.
Bref, le fait d’évoquer tout cela suscite en moi un curieux mélange d’émotions, du ressentiment bien sûr mais aussi une forme de nostalgie, après tout nous n’étions que des enfants loin de leurs parents…
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FONTA dit :
21 juillet 2020 à 17 h 19 min
bonjour Jean Luc
Je vois que je ne suis pas la seule à avoir des mauvais souvenirs! non pas que ça me rassure, mais en lisant les autres commentaires, je me disais,c’est pas possible, je l’ai rêvé!
Ben non! c’était bien comme ce que tu racontes, exactement!
les longues marches, on passait devant le sanatorium et on nous disait que si on ne guérissait pas, on finirait là, comme ceux qu’on voyait dehors, sur la terrasse, dans des lits d’hôpitaux sous des draps blancs….
Et dans le réfectoire, une chanson à la radio qui revenait sans cesse, celle de Michel Sardou, la Maladie d’Amour,
j’ai passé de longues heures en cuisine pour finir mes plats avec Mme Bohême qui me forçait à manger ce que ne n’aimait pas,
de longues heures aussi allongée à plat ventre sur les lits, le seau au pied du lit, à nous faire cracher ce qu’on avait dans les poumons!
de longues heures à nous dicter les cartes postales qu’on envoyait aux parents pour dire que tout aller bien, alors qu’on voulait juste s’échapper….
Merci Jean Luc de ton message, je me sens moins seule du coup…..
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Bertrand BELLEIL dit :
21 juillet 2020 à 17 h 33 min
Bonjour Jean-luc,
et merci beaucoup pour ce témoignage. Je n’ai pas connu Nivose, mais l’Espérance, sans doute à la même époque. Je retrouve beaucoup de points communs avec tes observations, avec ce mélange d’autoritarisme et de bienveillance parfois, de traumatismes mais aussi de nostalgie.
Comme on le voit à travers ces multiples témoignages, quel que soit l’établissement fréquenté, un séjour à Font-Romeu, (ou plusieurs), vous marquait profondément.
Bien à toi,
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casals-casimiro mylène dit :
21 juillet 2020 à 18 h 40 min
Edifiant! vos souvenirs donnent la chair de poule. Je suis éberluée d’apprendre le sort qui était réservé à des pitchounes si loin de leur famille. Je compatis à votre douleur.
J’écris un livre sur les établissements de santé en Cerdagne; et je travaille actuellement sur les maisons d’enfants de Font-Romeu. Si vous me le permettez, je m’inspirerai de votre texte pour expliquer la vie dans les années soixante dans ce type d’établissement.
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Jean-Luc H dit :
24 juillet 2020 à 15 h 29 min
Pas de souci en ce qui me concerne, je me tiens à votre disposition pour plus de précisions tant que mes souvenirs sont encore intacts !!
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casals-casimiro mylène dit :
24 juillet 2020 à 21 h 00 min
merci Jean Luc. J’ai inséré votre texte dans mon chapitre sur les maisons d’enfants de Font-Romeu. Je cherche des photos…
Maryline Porte dit :
24 juillet 2020 à 18 h 12 min
Oh lala ! Tellement vrais tout ces témoignages, j ai encore d autres souvenirs très douloureux pour ma part, le soir on devait laisser notre culotte au fond de notre lit et si elle était tachée, on nous la mettait sur la tête et on allé faire le tour des dortoirs des garçons, il y avait aussi les « rigolos » cataplasme de moutarde qu on nous mettait sur la poitrine , un camarade nous le tenait et avait ordre de ne pas lâcher car ça « explosait à la figure » , et tout les matins à trois par WC pour faire la grosse commission, ‘le plus grand sur le toilette les deux autres sur un pot, si on n’arrivait pas à faire, on avait droit à un morceau de savon de Marseille coupé au couteau, j aime autant vous dire que ce n était pas très agréable, d ou une angoisse permanente le matin ,de ne pas y arriver, ‘il y avait aussi les douces tout les soirs, à la file indienne, les mzelles frottant très fort et pour couronner le tout,une bonne poignet d eau de Cologne sur les parties intimes,
Les repas étaient terribles pour les enfants qui n avaient pas bon appétit, j en ai vu vomir dans leur assiette et être obligé de remanger un peu, mais ensuite l assiette était à nouveau remplie, il fallait tout finir, je pourrai encore donner pleins d autres mauvais souvenirs. …. ???????? heureusement que le chalet et son parc étaient magnifiques, les enfants étaient gentils, l infirmière ainsi que l institutrice aussi , j en ai voulu à mes parents et ais pensé pendant de nombreuses années qu ils m avaient mis dans une maison de correction. … on ne sort pas sans cicatrices de nivôse, j ai 55 ans et j ai encore beaucoup de tristesse quand je repense à cette période, mais ça fait du bien de voir tout ces témoignages on se sent mieux compris, bonne soirée à vous
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Jean-Luc H dit :
24 juillet 2020 à 18 h 59 min
J’ai voulu lire ce que j’ai écrit ci-dessus à ma femme et arrivé au paragraphe consacré à Geneviève je me suis mis à pleurer comme une madeleine à ma grande stupeur, l’émotion était trop forte et elle m’a littéralement submergé… Plus facile à écrire qu’à lire de haute voix à une personne proche.
Étonnant. Je suis pourtant dans ma 62ème année et j’en ai vu d’autres…
Comme quoi Nivôse nous aura marqué au delà de ce qu’on peut croire….
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casals-casimiro mylène dit :
24 juillet 2020 à 21 h 17 min
Bonsoir Maryline
Je lis avec stupéfaction votre réponse qui ne fait qu’accréditer le ressenti de Jean-Luc. Aussi, comme je l’ai fait pour lui, m’autorisez vous à mettre votre texte dans le livre que j’écris sur les établissements de santé en Cerdagne (toutefois, je ne veux pas être présomptueuse sur sa publication…).
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Maryline Porte dit :
25 juillet 2020 à 10 h 38 min
Bonjour mylene,
Vous pouvez écrire mon témoignage dans votre manuscrit, ça me fera du bien quelque part , j ai mis tellement d années à chercher des personnes qui étaient à Nivôse afin de savoir si rien n était le fruit de mon imagination. La première personne que j ai retrouvé quelques années auparavant était une ancienne monitrice de nivôse c est elle qui M a dit que » rien n etait le fruit de mon imagination que tout était bien réel, » , que Mme bohene était une » vipère », …… j ai pleuré devant mon clavier tellement les émotions étaient fortes ,
Bonne journée mylene, et merci pour ce que vous faites, un manuscrit ne peut que nous libérer de notre douloureux séjour à Nivôse
Véronique FONTA dit :
25 juillet 2020 à 13 h 25 min
Bonjour Maryline,
Tout ce que tu racontes, je m’en souviens comme si c’était hier….ça n’était pas si paradisiaque que ça, plutôt maison de correction. Je le rappelle à table, on nous servait des épinards qui me filaient la nausée, et que je vomissais, m ou Mme Bohème en passant me mettaient une grande claque, et m’obligeraient à remanger ce que j’avais vomis….la culotte sur la tête si on l’avait salie, les ventouses….les colis triés à l’arrivée, les siestes au froid sur le balcon, là seule chose que j’aimais faire à Nivôse, c’était du trapèze dans la cour de Nivôse….j’ai 58 ans et je me rappelle de tout…..
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Maryline Porte dit :
24 juillet 2020 à 18 h 58 min
Jean Luc H, je me souviens très bien de Paul, il avait une soeur, on disait que c était les enfants adoptifs de mr et Mme bohene, les pauvres ils n étaient pas bien traités , en qu elle année y êtes vous allé? Moi c était en 1973 ,74 et 75, de septembre à décembre
Répondre
Jean-Luc H dit :
24 juillet 2020 à 19 h 10 min
Bonjour Maryline,
J’y étais 5, 6 fois mais dans les années 60 et début 70 à chaque fois pour des séjours de 2 mois.
Fermée depuis janvier 2021, vous pouvez toutefois retrouver l'archive complète de cette discussion en suivant ce lien. Si vous souhaitez la poursuivre sur Coodoeil il suffit de vous rendre sur cette page.
Un autre forum de discussion existe sur doctissimo.fr concernant les séjours en maisons d'enfants à Font-Romeu qui lui aussi recueille des témoignages poignants et affligeants...
Quels bénéfices réels sur la santé ?
Il est vrai que pendant mes séjours à Nivôse je n'ai pas eu la moindre crise d'asthme. En revanche dès mon retour à Strasbourg où nous habitions les crises ont repris de plus belles. Ceci n'était toutefois pas dû au climat ni à la pollution (ou pas seulement) mais plutôt à l'ambiance tabagique avec un parent fumeur qui s'enfilait un paquet de Gauloises par jour. Autres temps autres mœurs, à l'époque même mon pneumo-allergologue fumait des cigarillos dans son cabinet en présence de ses patients souffrant de maladies respiratoires, une aberration !!
Désormais grand-père, je repense malgré tout encore à Nivôse, le temps n'a rien effacé et j'ai fait des recherches sur le net pour retrouver la fameuse carte postale de Nivôse qu'on nous obligeait à rédiger sous la dictée affirmant que "tout se passait bien" afin de rassurer nos parents... Hélas sans succès. Si quelqu'un dispose de photos du chalet Nivôse (2ème génération, en blanc avec les volets jaunes) je suis preneur... Merci !
Mise à jour du 07/02/2023
Je tiens à adresser un grand merci à Rémi L. qui m'a envoyé quelques photos de Nivôse dont la fameuse vue sur le chalet en précisant : "voici quelques photos qui devraient peut être raviver quelques souvenirs que j’espère meilleurs que dans les témoignages lus sur votre blog".
Jean-Luc Responsable de Publication www.coodoeil.fr septembre 2022 + maj février 2023 ©
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